Notre quartier comportait un
magasin de vêtements pour enfants. Ma mère allait parfois discuter longuement
avec la vendeuse. Quand je dis longuement, c'est longuement. Certes, nous
étions petits, nous ne savions pas lire l'heure, et quand les enfants
s’ennuient, les heures semblent des siècles, surtout quand on est debout sans
bouger—car on ne parle pas ici de courir entre les rayons ni de toucher les
vêtements. La vendeuse complimentait toujours ma mère: comme ils sont
bien élevés, si calmes, si patients.
Lorsque j'y repense, ça m’atteint, parce que j’ai découvert bien plus tard que ce n'est pas dans la nature d'un enfant qui s’ennuie d'être sage comme une image, interminablement. La vendeuse aurait mieux fait de dire: «Ils sont bien soumis. Ils n'expriment plus rien. Vous avez vraiment réussi à les mater.»