Adolescente, je voulais aller au pensionnat afin d’échapper à l’atmosphère familiale. Ils ont fait pression pour m’en dissuader; même ma grand-mère s’y est mise. La qualité de l'enseignement que je recevais là où je me trouvais était nettement supérieure, ont-ils avancé, entre autres. Cet argument m'a
influencée: puisqu’il ne me restait plus que quelques années de maison à
tirer, autant construire mon futur le mieux possible.
Pour cette même raison, je n'ai pas fugué. Je m'imaginais vivant dans la rue avec des punks qui me tolèreraient. Je me disais qu'après, sans aucun diplôme, je ne trouverais que des boulots très durs et mal payés, et tomberais potentiellement dans la drogue.
Restait l’option de tuer ma mère. Cependant, la maison d'arrêt marquerait elle aussi la suite de mon existence. Ternir l'avenir de mes propres mains, ça non.
Par contre, je me souviens de l'avoir encouragée le jour où, accroupie dans la salle de bains, de minuscules ciseaux à ongles pressés contre son poignet, elle m'a annoncé qu'elle allait se suicider. «Écoute, si tu penses que c'est mieux, je ne peux pas te condamner, tu sais.»