COUPABLE

Depuis peu, alors que ça dure depuis si longtemps, je me rends compte que je ressens en permanence un raidissement intérieur. En discutant de tout et de rien avec des amis, en lavant la vaisselle, en me brossant les dents... Ce stress au ventre qui rôde lors de l’exécution des tâches les plus anodines. Même devant la télévision, j’économise mon souffle: je suis perpétuellement sur mes gardes. Est-ce parce que je sens encore sur moi ce regard d'officier nazi?


Évidemment que le mot «nazi» est excessif. Je l'utilise malgré tout, car j'ai éprouvé un sentiment effarant face à une scène du film de Quentin Tarantino, Inglourious Basterds. Dans cette scène d’une tension palpable, un officier nazi est convaincu de la culpabilité d’un homme. Une conviction absolue, glaciale. Peu importe qu’ils ne se soient jamais rencontrés auparavant: Il. Est. Coupable. De question fouineuse en sous-entendu infamant, l'officier trouvera une raison d'incriminer sa proie.

Je ne me suis pas dit: beurk, pas sympa le mec, on dirait ma mère... Non. C'est dans mon corps que j'ai reconnu l’émotion. Cette pression dans mes poumons, la moiteur subite de mes paumes. Sans aucun doute, une résonance.



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