Il m'arrive de repérer des mamans de substitution.
À six heures et demie, lors de ma promenade matinale, je vois souvent une dame âgée asiatique. Sur son balcon, elle pratique le tai-chi. Nous avons d’abord échangé un regard, puis, de fil en aiguille, un petit signe. Maintenant, nous nous souhaitons une bonne journée comme si nous étions deux amies de longue date. Ce type de contact, gratuit et délicieux, me comble de bonheur.
J'ai communiqué un temps avec une amie de mon père. On s'écrivait via les réseaux sociaux; elle m’envoyait constamment des photos de ses enfants et petits-enfants, ce qui me faisait plaisir pour elle et m'étonnait un rien.
Un jour, elle a estimé nécessaire de me faire entendre raison concernant ma propre vie. Je devais comprendre: ce n'était pas facile d'être mère. Il fallait que je fasse preuve de clémence, d'indulgence. Je lui en ai dit davantage, afin qu'elle puisse juger en meilleure connaissance de cause, mais elle a poursuivi de manière identique.
Ce qui me frappe, dans ces cas-là, c'est que la compassion s’adresse à l'agresseur. C'est un peu comme lorsqu'une bombe explose et tue des gens. Il y a des personnes qui ne passent pas par la case «pensée pour les victimes»; elles se rendent directement à «attention aux amalgames». Il est capital, en effet, de ne pas mettre tout le monde dans le même sac. De ne pas amalgamer en fonction de l’origine, de la religion ou du métier. Il me paraît cependant autorisé de compatir avec les victimes.
Or, l’amie de mon père n'a manifesté de sympathie qu'envers ma mère. Pas un mot consolateur à mon égard, pas même un misérable Ça n'a pas dû être commode tous les jours pour toi. Rien. J'ai repensé à l'amour généreux qu'elle exprimait si naturellement pour les siens. J'ai songé à sa fierté, à ses réflexes de bienveillance vis-à-vis d'eux. Cette différence d’attitude m'a mise mal à l'aise, comme si j'étais sale, fautive. Je me suis éloignée.
À travers l'expérience du bénévolat auprès de jeunes enfants, au-delà de l'émerveillement et du plaisir à jouer, je me suis révélée à moi-même patiente, douce et capable de leur mettre des petites limites. La cohabitation avec un chaton me prouve aussi que je peux agir de façon compréhensive et calme.
En prenant mes distances avec les personnes qui ne me respectent pas, je me porte garante de ma sérénité. Ai-je employé un mot trop fort? Je vérifie. [RESPECT. Considération accordée à qqn en raison de la valeur qu'on lui reconnaît.] Finalement, il existe bel et bien une maman en qui je peux avoir confiance.