UN LIEN PRIVILÉGIÉ

Je concentrais mes réflexions sur ce que j'avais, plutôt que sur ce que je n'avais pas. Non, pas vrai. À huit ou neuf ans, j'ai découpé une page d'un petit livre et je l’ai glissée sous mon oreiller. Y figurait le portrait d'une dame au visage délicat, qui avait l'air très gentille. Je me souviens de ma mère brandissant la page, et me demandant avec colère si j'aurais préféré avoir une mère comme ça. Elle m'a dit que c'était très laid de vouloir ça. J’ai eu honte.

Toujours est-il que j'ai focalisé sur la mère que j'ai eue. Je pensais rarement à celle des autres; cependant je trouvais mes amis terriblement exigeants. J’estimais qu’ils témoignaient très peu de gratitude envers leurs adorables mamans.


Puis, j'ai vu Happy Death Day 2U, une sympathique comédie d’horreur réalisée par Christopher Landon. Comme quoi, l'illumination peut découler de sources inattendues.

Dans ce film, [divulgâcheur] Tree Gelbman se retrouve devant un choix: respecter le destin, ou le manipuler de telle manière que sa maman, décédée depuis plusieurs mois, ne meure finalement pas. Au bout du compte, Tree décide de ne pas changer le cours des événements, mais saisit l'occasion de vivre un ultime moment avec elle.

Comme dans un rêve éveillé, la mère apparaît, souriante et sereine. Elle regarde sa fille avec douceur. À travers cette scène habile et sans prétention, j’ai compris d’un coup tout ce que j’avais manqué, tout ce dont j’avais été dépossédée.

Éperdue, Tree se jette dans les bras de sa maman avant qu’elle lui soit arrachée — car en fait, elle n’y a pas droit.


photo © https://unsplash.com/photos/vrkw8LbA300