[GRÂCE : DON ACCORDÉ SANS QU’IL SOIT DÛ]

Oui, mais, euh… vu que j'ai toujours fait ce qui était en mon pouvoir pour garder la tête hors du puits, je vais persévérer quand même encore un peu. Des fois qu’il y aurait moyen de pardonner malgré tout. Je le ferais pour moi, bien évidemment. Pour MOI.

Voici le fruit de mes recherches sur le pardon, du dictionnaire au pasteur, en passant par le cinéma.

CE QUE LE PARDON N’EST PAS
Ce n'est pas nécessairement contacter la personne, recommencer à la fréquenter, ni tendre l’autre joue
Ce n’est pas oublier ce qui a été fait
Ce n’est pas cesser d'avoir le cœur lourd à l’évocation d’un souvenir pénible
Ce n'est pas dire que ce qui est arrivé n'est pas grave, ou ne compte plus.

CE QU’IL EST
C'est effacer l'ardoise
Renoncer à la vengeance
Renoncer à punir.

EFFACER L’ARDOISE
Dans un film de Woody Allen intitulé Crimes et Délits, un philosophe nonagénaire explique qu’indépendamment de l’existence d’un jugement, nous incarnons la somme de nos choix. L'ensemble de nos choix, au bout du compte, représente qui l'on est. Bon, jusqu’à quel point est-on maître de ces choix, vu que d’autres facteurs les influencent également? Cependant, dans une certaine mesure, oui, nous choisissons.
À travers les paroles du professeur Louis Levy, je comprends une chose. Ma mère contient ses actes. Ils sont à l’intérieur d’elle, ils font partie d’elle. Qu’on ne les voie pas, qu’elle et le monde les nient, ne signifie pas qu’ils ne se sont pas produits.
Alors voilà, ça va être ça, pour moi, l’étape numéro un : admettre [Reconnaître comme étant VRAI] que les faits ont eu lieu. Après avoir été niée, contestée, démentie, culpabilisée, rejetée, clouée dans un cercueil de «tu devrais» pendant tant d’années, je me fais ce cadeau. Je ne chercherai plus à convaincre; je ne chercherai plus à ME convaincre.
J’ai dit.

LIQUIDER LA RANCUNE
Une phrase de War Room, d'Alex Kendrick, résonne en moi: «Dieu seul est juge».
Ah zut, c'est religieux. Disparue, la guerrière autodidacte.
Dieu? Univers? Masse lumineuse interreliée, façon mécanique quantique? J'ai acquis la conviction qu'il existe un fonctionnement au monde, et un principe de roue qui tourne. Je ne soutiens pas qu'un enfant qui grignote du savon sur une décharge finira par gagner à la loterie, mais peut-être développera-t-il des amitiés inestimables avec ses camarades d'infortune. Et, non, ça ne supprimera pas la dysenterie, la faim, etc.
Dans le même ordre d’idées, je considère avoir été honorée de plusieurs signes de la part de proches décédés. Conséquemment, je crois que nous rejoignons un magma bienveillant après la vie. Je paraphraserai donc «Dieu seul est juge»: «La lumière est seule juge».

1. «La lumière est SEULE juge». Soulagement: le jugement de ma mère ne repose pas sur mes épaules. Je peux renoncer à ce fardeau. Ouf, parce que j’avais vaguement songé à la faire comparaître devant un tribunal, mais elle manipulerait l’assemblée de manière à passer pour la victime. Il faudrait engager des avocats redoutables, jouer à la roulette russe avec les a priori des jurés, etc. Ça prendrait des tonnes de temps, d’argent et d’espace mental. Mais voilà: ce n'est pas mon rôle.

2. «La LUMIÈRE est seule juge». Ce n'est pas x ou y, l’arbitre: c'est l’Univers. Il est adéquat dans l’exercice de cette tâche. C'est une grosse responsabilité, évaluer un être vivant sur l'ensemble de son existence. Il y a des choses que l’on ignore. Le magma lumineux, c'est davantage son créneau. Il possède toute l’info. Le cerveau de celle qui m'a mise au monde comporte-t-il une lésion? Une cicatrice émotionnelle irrémédiable? À moins que des extra-terrestres y aient implanté un prototype d’arme secrète?

3. «La lumière est seule JUGE». Un jugement aura lieu. Même si la sanction se résume à un éclair de lucidité accompagnant son dernier souffle: zut, je vais passer un sale quart d'heure si l'au-delà existe. Je peux choisir de croire que cette affaire ne demeurera pas complètement sans répercussions en ce qui la concerne.

Amen.

Et ainsi, JE, et personne d’autre, décide de mettre un terme à tout ça.

Mais elle n’a jamais payé!
Soit. Fini.

Mais les gens trouvent qu'elle est géniale!
À la rigueur, tant mieux. Ça ne me concerne pas. C'est leur relation, moi je n'en ai ni avec elle, ni avec eux. Pourquoi m'encombrer de ses adeptes? Il y a bien assez de monde formidable à découvrir sur cette terre.

Et par ces simples paroles: «Je pardonne», j'ai l'impression de lâcher du lest, de me séparer de quelque chose de lourd.

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