POSSESSION, DÉPOSSESSION, PARDON

L'autre soir, je regardais Ward of Evil, un épisode de la série Haunted, réalisé par Jan Pavlacky. Basée sur des faits réels, l’émission s’ouvre sur l’arrivée d'une dame dans une maison de repos. Entre deux âges, sans diagnostic de démence, quelque chose ne tourne pas rond chez elle, mais quoi? Le malaise s’installe rapidement. La chambre de la résidente est glaciale, les tableaux se décrochent des murs... bientôt, elle devient agressive, cesse de s'alimenter et s'exprime en langues inconnues. Plus l’angoisse des soignantes augmente, plus les capacités d'action de la résidente se développent.

On dit que les entités néfastes se nourrissent de l’énergie négative des gens  la peur et la colère, par exemple.


Ce n'est pas la première fois que les récits de hantise me rappellent certaines difficultés d'ordre psychologique.

Prenons Drag Me To Hellde Sam Raimi. Christine Brown est possédée par un démon particulièrement dévastateur. Au terme d'une série de démarches, la jeune héroïne vient à bout de l’emprise. Elle récupère sa joie de vivre, part en excursion avec son fiancé. Soudain, [divulgâcheur] elle réalise qu’elle a interverti deux objets lors de la procédure de désenvoûtement, et qu'elle n'est donc pas libérée. L’instant d’après, elle meurt sur une voie de train.

Ce qui me fascine ici, c’est la possibilité de double lecture. D’une part, un bon film d’horreur, d’autre part, un brillant exposé sur comment la vie se conforme à nos croyances.

De manière identique, mon point de vue sur le passé détériore mon présent. Quand je pense à ma mère, je me sens honteuse. Tachée. Prendre soin de moi m’apparaît comme du gaspillage, et je ne mérite pas qu’on m’appelle « chérie ».

À l'inverse, j’ai expérimenté à l’exposition STAR WARS™ Identités un dispositif permettant de s'inventer une enfance. Je me suis offert des parents confiants et enjoués; même si l'illusion n'a duré qu’une poignée de minutes, elle m’a apporté quelque chose de bénéfique.


Considérer le passé avec colère, avec impuissance, comme un problème non résolu, c’est renforcer la hantise. Cela correspond à m’injecter le venin que je voudrais vomir sur elle. Et en effet, je le sens brûler dans mon ventre, ce poison, quand la rage m’envahit. Ne pas pouvoir l’évacuer génère tellement de dépression et d’anxiété.

Je devrais envisager de pardonner: ça, c’est en mon pouvoir. Ça me permettrait de tourner la page. Car le fait est que je ne dois pas attendre que ça vienne d’elle. Attention, si un jour elle frappe à ma porte et demande vraiment pardon, je m’incline tout de suite. On n’aura même pas besoin d’en parler. J’offre le café — au coin de la rue, pas chez moi. Mais cela n’arrivera pas. J’ai fait mon deuil, elle ne changera pas.

Et parce qu’elle ne changera pas, qu’elle ne reconnaîtra jamais ne fût-ce que le début d’un tort, je ne frapperai pas à sa porte non plus: pardonner ne nécessite pas d'en informer la personne.



Alors je le suivrais, finalement, ce conseil bien-pensant si souvent administré par des gens qui n’ont aucune idée de ce que j’ai traversé. C’est bête, tant qu’à lâcher prise sans filet, j’aurais pu m’y résoudre il y a des années.

Enfin, mieux vaut tard que jamais, pas vrai? Y’a que les imbéciles qui changent pas d’avis! Allez, «On s’embrasse, on oublie tout», comme dans la chanson de Frédéric François. Sans reconnaissance des faits et sans punition, parce que c’est ça, la justice à laquelle moi j’ai droit. J’ai plus qu’à coller des smileys sur mes cicatrices.

Pardonner?

Jamais.

JAMAIS.

JAMAIS!

JAMAIS!!!



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